fatigue. les doigts qui viennent écraser les paupières, volets fermés sur un océan de douleur.
la lumière éclaire trop. la lumière défonce les iris en manque d’un sommeil réparateur.
perte de temps.
dormir, c’est pour les faibles.
zébrures rougeoyantes qui dansent sur la surface d’albâtre. fenêtres brunes qui peinent à continuer d’admirer le monde.
il travaille trop, mads.
il travaille à s’en déglinguer la santé.
il travaille jusqu’à se tuer.
besoin d’exister, besoin de prouver.
sa valeur, sa volonté, ses qualités…
que c’est pas qu’un gamin déchiqueté par la réalité.
que c’est pas qu’un intrus qui a quitté trop vite et trop fort le cocon déchirant du ventre cotonneux de maman.
que c’est pas qu’un chien galeux qu’on aurait accepté par dépit plutôt que par réelle envie.
il mérite d’être regardé, mads.
il mérite d’être aimé, mads.
c’est ce qu’il arrête pas de tenter de prouver en se déchirant les phalanges et l’épiderme sur les travaux, les mains rendues calleuses par les planches déplacées, par les coups de peinture lâchés. il rend vie à des habitats délaissés, comme le cœur qui continue de battre timidement et vainement entre les côtés trop souvent cassées.
les maisons qu’il rénove, c’est maddox qui attend de trouver celle qui saura faire la même chose. magicienne rendant la vie à ce corps décharné qui ne demeure sur cette terre que par lâcheté.
besoin d’exister.
besoin de lui montrer qu’elle s’est trompée.
que mads n’est pas dépourvu de tout intérêt… que mads n’est pas dépourvu de toute qualité.
il n’y peut rien, après tout, d’être le fruit d’un amour condamné. il n’y peut rien, mais ça l’a vacciné une bonne fois pour toute contre les battements effrénés causés par la présence d’une personne aimée.
cœur enfermée, cœur hermétique aux sentiments enflammés.
le téléphone qui sonne, lui arrache un gémissement guttural et quelques injures doucereuses qui fendillent les lèvres et le bout rose de la langue. il se passe une main sur le visage, attrape le téléphone et soupire à s’en fendre l’âme.
il ne peut pas l’ignorer.
n’importe qui d’autre, mais pas lui.
- ouais ?
il demande en décrochant, le ton cassant, l’énervement palpable jusqu’à l’autre bout du fil.
et il lui explique, l’ami placé sur un piédestal, à quel point il a besoin de lui.
- je suis désolé de pas pouvoir te la présenter d’une meilleure façon, mais j’ai vraiment besoin de toi pour aller chercher ma fiancée.
mads manque de s’étouffer avec sa propre salive. il se redresse d’un coup du canapé sur lequel il était affalé, voit quelques étoiles danser devant ses mirettes ensommeillées.
il savait, maddox, que son meilleur ami avait une copine depuis quelques temps. mais l’annonce lui fait un choc.
- tu veux bien répéter ?
ça a le goût de la trahison. ça a le goût de l’abandon.
- c’est tout récent. s’il te plaît mads…
petit temps de silence.
- tu veux bien être mon témoin ?
il ajoute, craquelant les barrières érigées autour du palpitant.
- p’tain, tu fais chier.
pas besoin de plus : il sait très bien que maddox va l’aider. si mads n’est pas très sentimental, il y a des choses qu’il ne peut refuser. et l’enfoiré qui est trop occupé pour s’occuper de sa fiancé fait partie des rares personnes que mads ne peut pas envoyer sur les roses.
il lui communique une adresse, que mads s’empresse de mémoriser. il fonce dans la salle de bain pour se donner un air convenable ; il rase rapidement la barbe naissante qui lui recouvrait les joues, passe de l’eau dans sa chevelure d’obsidienne et passe de trop longues minutes à se regarder, la mine déconfite.
- quelle gueule de con…
il murmure avant d’aller chercher des vêtements confortables : jean, basket et t-shirt aux motifs variés. il se demande comment elle est ; le meilleur ami a toujours été radin en photos. il attendait impatiemment de lui présenter en chair et en os.
elle doit être belle. il n’a, après tout, jamais eu de mauvais goûts. c’est même arrivé plus d’une fois que les deux mâles aient des vues sur la même fille.
mais là, c’est chasse gardée.
mais là, il faudra rester sage et rangé.
il attrape les clés de sa voiture et se rend à l’adresse indiquée : la push. le sable fin qui se fait engloutir par la mer avide. l’horizon qui disparaît derrière l’écume… vision hypnotisant qui ne manque pas d’égratigner ses rétines.
il retire ses chaussures et va plonger le bout de ses orteils dans le sable froid en attendant l’intéressée. néanmoins, mads est certain que la retrouver ne va pas être de la tarte : ils ne se sont jamais rencontrés, après tout, et il n’a jamais vu une seule photo d’elle.
autant chercher une aiguille dans une meute de foin.
et il savoure la brise marine qui fouette son visage, lui redonne de la contenance, tout comme l’appréhension légère qui lui tord l’estomac. pression qui lui murmure que cette rencontre sera décisive, sans trop savoir comment ni pourquoi.
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